13 octobre 2016

La nécessaire réforme du marché du travail ou comment réorienter notre politique économique

(Lu dans Al-watwan aux Comores le 10 octobre 2016)

Il est des situations économiques que l’on ne peut continuellement ignorer comme celle de l’opacité du marché du travail. Y entrer et en sortir victorieux ressort du miracle, singulièrement si l’on est un jeûne âgé entre 18 et 25 ans voire 30 ans. L’économie comorienne  comme celle de plusieurs pays est basée fondamentalement sur l’agriculture. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, de la crise du pétrole des années 70, de l’avènement des nouvelles technologies et de la mondialisation l’économie mondiale s’est structurellement modifiée et s’est tournée peu à peu, des secteurs primaire et secondaire vers le tertiaire. Plusieurs pays occidentaux ont vite adapté leurs politiques économiques. Il est temps que les autorités comoriennes, notamment les élus adoptent très rapidement les réformes structurelles nécessaires du marché du travail et optent pour une politique économique compétitive.
Quelques pistes de réflexions sont à explorer. Certaines relèvent du cadre législatif et demandent plutôt de la volonté politique pour dépoussiérer le code du travail. Les autres dépendent de l’organisation même des institutions du chômage et de leurs engagements dans leurs missions.
Le plus grand défi auquel les nouvelles autorités sont confrontées (à mon sens) est de lutter contre la pauvreté et la précarité. D’un premier abord, le gouvernement a intérêt à envisager très rapidement des réformes nécessaires pour vaincre ce chômage structurel.
En effet, le marché du travail comorien a besoin d’être reformé, pour permettre le pays de faire face aux nombreux défis et autres mutations économiques mondiales. Pour y parvenir le gouvernement devrait rapidement plancher sur un projet de loi travail qui définit des règles pour tous en matière d’organisation, en matière de temps de travail, en matière de salaire minimum ainsi que les différentes sortes de contrats de travail qui lient l’Etat, les entreprises, les syndicats et les actifs.
Il convient d’engager des négociations avec les différents acteurs de l’économie pour réglementer le temps de travail hebdomadaire, le fixer à 37heures. Pourquoi ne pas copier sur la France qui en adoptant la réduction du temps de travail à 35 heures par semaine, a permis de créer quelques 350 000 emplois. Une autre mesure qui pourrait  aider à développer l’économie et relancer la croissance à inclure dans ledit projet de loi est d’envisager de fixer un salaire minimum légal. Ce salaire minimum devrait être révisable  chaque année selon l’inflation. Certes les patrons ont une aversion avérée pour une telle mesure, mais cela est prouvée, la mise en place d’un salaire minimum permet de booster l’économie et relancer la croissance.
Dans un autre registre et toujours dans le cadre législatif il convient de mettre en place et développer le concept de “buy comorian act“ en s’inspirant du “buy american act“ en vue de favoriser les artisans comoriens. On ne peut être pour l’ouverture du marché et contre le protectionnisme et voir importer dans le pays en quantité inestimable des meubles et autres produits et articles au détriment de l’artisan et du créateur comorien, et rester indifférent. Il est urgent d’agir sur ce volet là aussi pour non seulement œuvrer en faveur de la production locale - ce qui relancerait à terme la formation professionnelle et encouragerait notre jeunesse à s’y intéresser - mais aussi et surtout cela contribuerait à réduire le déficit de notre balance commerciale, un des nombreux facteurs de notre sous-développement.
En deuxième lieu, il faut se retourner du côté des institutions qui s’occupent des questions de société, de la démographie et de l’emploi, notamment l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques et Démographiques (INSEED) et la maison de l’emploi.
D’abord, une étude sur la démographie et son évolution parait indispensable. En somme, combien sommes-nous et combien parmi les comoriens actifs sont à la recherche d’un emploi. Récemment, l’INSEED a lancé une opération de recensement. C’est bien une initiative encourageante. Mais il faut aller plus loin. L’Inseed devrait approfondir ses enquêtes en dénombrant aussi la part des chômeurs dans la population. Quelles sont les catégories de la population qui sont les plus fortement touchées parmi les demandeurs d’emploi.
Dans son volet « études économiques », l’Inseed devrait beaucoup se préoccuper du comportement de notre économie notamment « des constantes » qui sont le taux de croissance (du PIB), le taux d’inflation, le taux d’exportation et le taux de chômage. Pour aider efficacement les politiques à la décision, l’Inseed devrait rapidement déterminer le taux de croissance à partir duquel l’économie comorienne crée de l’emploi par rapport au nombre d’actifs qui rentrent chaque année sur le marché du travail.
Du côté de la maison de l’emploi. Cette institution inaugurée sous le Président Ikililou, devenue coquille vide, devrait se redéployer et déployer les moyens pour fournir régulièrement - je dirais mensuellement – les chiffres du chômage et leurs évolutions catégories par catégories, selon les définitions du bureau International du Travail (BIT). La maison de l’emploi aurait aussi pour missions principales :
1)      de trouver un travail aux demandeurs d’emploi ;
2)      de proposer des formations adaptées afin de permettre un meilleur “matching“ entre offres et demandes ;
3)      d’accompagner les initiatives créatrices d’entreprises en facilitant aux porteurs de projets l’accès aux prêts bancaires ;
Mais il serait surtout heureux qu’une politique en direction des comoriens de l’extérieur notamment ceux de la diaspora comorienne de France soit vite initiée afin de  stopper “la fuite des cerveaux“ et faire venir les nombreuses compétences comoriennes éparpillées dans le monde. Ces derniers, venus en nombre, pourraient insuffler un vent nouveau dans notre économie. Ils contribueraient aussi au changement de mentalités dont nous avons tant besoin en nous apportant cette fameuse culture de résultats. Leur faciliter l’accès aux crédits verrait la création de nombreuses entreprises ce qui réduirait le taux de chômage.
Enfin, investir pour l’emploi c’est investir pour le développement économique et donc pour la croissance. Réorienter la dépense publique en mettant en place des mesures incitatives, des aides à l’embauche et soutenir les employeurs à recruter paraît incontournable en l’état actuel des choses.
En conclusion, développer une politique économique en faveur de l’emploi en engageant à la fois toutes ces initiatives permettrait de tendre à terme vers l’objectif fixé par le président de la république : “ Un jeune, un emploi“.


                                                                                                                         Saïd Hamidou ALLAOUI

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