10 janvier 2009

Small states dans les relations internationales : le cas de Mayotte

Saïd Hamidou ALLAOUI
Objet : Lettre ouverte au président Sarkozy
Lyon, le 10 janvier 2009
Monsieur le Président,
A votre élection en mai 2007, vous êtes apparu aux yeux de nombreux africains comme étant l’homme qui allait rompre définitivement avec la politique de la Françafrique.
Le discours de Dakar du 26 juillet 2007 devenu célèbre depuis (pour d'autres raisons), et celui du Cap en Afrique du Sud du 28 février 2008 étaient à chaque occasion cités en exemple dans nos milieux. Ces deux discours devraient marquer la fin d’une époque, l’époque de la colonisation, l’époque de la Françafrique pour entrer dans une nouvelle ère, l’Eurafrique.
Cependant, Monsieur le Président, les comoriens ne sont plus convaincus que l’ère de la Françafrique est terminée, et que la néocolonisation est révolue.
En effet, vous organisez le 29 mars prochain un référendum à Mayotte en vue de départementaliser cette île et la rendre française définitivement. La France d’aujourd’hui aurait-elle besoin de cela ?
Vous savez, Monsieur le Président que ce référendum aura plusieurs conséquences que vous ne pourrez ignorer. Le remettre à plus tard aurait été la solution la plus sage. Elle aurait permis d’apaiser les tensions politiques qui existent entre la France et les Comores, ainsi que les tensions sociales qui surgissent à l’intérieur de l’archipel, au point que des grands comoriens exigent de leurs frères anjouanais résidants à Moroni, une carte de séjour. C’est comme si on demande à un bourguignon de posséder une carte de séjour en Bretagne. Concevez Monsieur le Président que la situation est dramatique.
De tels dérapages commencent à se normaliser et à prendre forme. La raison n’est nullement pas loin. Les comoriens, natifs de (ou résidants à) la grande Comore, Anjouan et Mohéli sont considérés comme étant des clandestins chez eux, à Mayotte.
Je ne pense pas, Monsieur le Président, que vous voulez marquer l’histoire du XXI ème siècle comme étant un colonisateur qui transforme un désaccord historique en la départementalisation de l’île comorienne de Mayotte (une recolonisation).
Père fondateur de l’Eurafrique, à la tête de laquelle vous construisez l’Union Méditerranéenne, je vous cite, « pivot de l’Eurafrique, la première étape du plus grand rêve de paix et de prospérité qu’Européens et Africains sont capables de concevoir ensemble ».
Vos intentions de faire de la France un hégémon régional à défaut de détenir l’hégémonie globale « virtuellement impossible pour quelque Etat que ce soit » selon Mearsheimer, sont louables. Mearsheimer est persuadé que « la situation idéale pour toute grande puissance est d’être le seul hégémon régional dans le monde. » La France a la capacité de détenir une hégémonie régionale dans l’Océan Indien voire de l’Afrique de l’Est, sans une présence à Mayotte.
La France n’a pas besoin d’être un colon pour dominer le monde au XXIème siècle encore moins à Mayotte, cette minuscule île perdue dans l’océan indien.

Ce serait entaché sa politique extérieur déjà grisée par le nombre de morts tués par le visa Balladur (C’est comme cela qu’on les appelle).
Ce serait couvrir en son sein un centre de rétention dénoncé par les médias ce mois de décembre 2008 comme inhumain et condamné par Amnesty International, un centre de rétention aux conditions de vie déplorables indignes à la France, pays de droits de l’homme.
Monsieur le Président,
Je ne vais pas citer les nombreuses résolutions de l’Organisation des Nations Unies comme toutes les autres autorités comoriennes qui les évoquent continuellement sur toutes les tribunes, y compris celle des Nations unies, condamnant la présence de la France à Mayotte. La France restera insensible à ces condamnations, car en matière de relations internationales, la France n’est surplombée par aucune autorité supérieure. Je reconnais qu’il n’existe aucun gouvernement mondial capable d’imposer des règles que les grandes puissances comme la France ne puissent transgresser.
Mais permettez moi Monsieur le Président de jeter un regard sur les actions menées par la présidence française à l’Union Européenne, durant sa mandature. N’a-t-elle pas œuvré pour la paix en Géorgie poussant la Russie hors des frontières évitant ainsi une guerre sanglante de plusieurs mois ? N’est–ce pas la même France sous votre présidence qui a poussé la Russie à reconnaître l’indépendance de l’Ossétie le 26 août 2008 ?
Y a-t-il dans la politique étrangère de la France deux poids deux mesures ? La politique de la France face à l’Europe, et la Politique de la France face à l’Afrique ?
Monsieur le Président,
J’ai cru comprendre à travers le discours que vous avez prononcé à Dakar le 26 juillet 2007 que : « ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est le co-développement, c’est-à-dire le développement partagé. » et non la colonisation de l’Afrique. « La France veut avec l’Afrique des projets communs, des pôles de compétitivité communs, des universités communes, des laboratoires communs. Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est élaborer une stratégie commune dans la mondialisation ». Mais la départementalisation de Mayotte, n’est-elle pas une colonisation d’une partie de la terre comorienne ?
Monsieur le Président,
Dans votre Discours au CAP en Afrique du SUD le 28 février 2008 vous affirmiez que la France se trouve dans « une situation où notre engagement politique, militaire ou économique aux côtés de l’Afrique est perçu par beaucoup non comme une aide sincère, mais comme une ingérence coloniale ; mais où dans le même temps, une indifférence, un retrait ou une absence d’engagement nous sont reprochés comme un abandon ou une ingratitude ». Si les africains ressentent en général, une telle ingratitude, la raison vient certainement de la politique extérieur de la France.
Monsieur le Président
Examinons la question de Mayotte sur un aspect théorique en matière de relations internationales, (choc des civilisations) le professeur Samuel HUNTIGTON écrivit : « les grandes causes de division de l’humanité et les principales sources de conflits seront culturelles (…), les principaux conflits politiques mondiaux mettront aux prises des nations et des groupes appartenant à des civilisations différentes ». N’instaurez pas, Monsieur le Président, une civilisation à Mayotte différente de celle des îles sœurs. Ne soyez pas celui qui serait à l’origine des conflits politiques futurs entre les mahorais et les habitants des autres îles comoriennes de l’archipel ou même des comoriens entre eux.
Rappelez-vous que la population est une donnée géographique et démographique, dans le sens où elle constitue l’ensemble des habitants qui vivent et travaillent sur le territoire d’un Etat. C’est aussi une notion juridique en tant qu’élément constitutif de l’Etat. En dernier lieu, la notion de population revêt un aspect identitaire et historique, facteur de stabilité ou d’instabilité pour les Etats.
Monsieur le Président,
Permettez-moi de vous citer dans votre discours, lors de la 62ème Assemblée Générale des Nations Unies à New York, le 25 Septembre 2007 : "Il n’y aura pas de paix dans le monde si la communauté internationale transige avec le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et avec les droits de l’homme. Il n’y aura pas de paix dans le monde sans le respect de la diversité, sans le respect des identités nationales, sans le respect des religions et des croyances, sans le respect des cultures". Balayons devant notre porte, Monsieur le Président.
Il n’y aura pas de stabilité aux Comores, il n'y aura pas de développement aux Comores, ni de codéveloppement entre Mayotte et les Comores, tant que Mayotte restera française car le niveau de vie des mahorais sera toujours élevé et Mayotte restera aux yeux des comoriens l’Eldorado. Les comoriens, à la recherche d'une vie meilleures, iront par conséquent toujours périr en mer. Et la France va devoir multiplier autant des centres de rétention comme celles que Yves Jégo promet aux autorités mahoraises ; la France va devoir multiplier les espaces pour en faire des fosses communes ; le visa Balladur et la départementalisation de Sarkozy continueront de tuer.
Parce que l’histoire des relations internationales a très souvent été liée aux revendications identitaires de nations, des peuples, de groupes ethniques religieux. La notion de population ne peut pas se définir uniquement par rapport à des critères juridiques, la nationalité
Parce que « les frontières reconnues aujourd’hui par le droit international ne sont pas naturelles, mais résultent de la conjonction de la géographie et de l’histoire »
"Parce que la France souhaite l’unité de l’Afrique, car l’unité de l’Afrique rendra l’Afrique aux Africains". Nicolas Sarkozy, le 26 juillet 2007 à Dakar
Parce ce que "Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est une politique d’immigration négociée ensemble, décidée ensemble pour que la jeunesse africaine puisse être accueillie en France et dans toute l’Europe avec dignité et avec respect" Nicolas Sarkozy, le 26 juillet 2007 à Dakar
Parce que "Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est une alliance de la jeunesse française et de la jeunesse africaine pour que le monde de demain soit un monde meilleur". Nicolas Sarkozy, le 26 juillet 2007 à Dakar
Je vous suggère, Monsieur le Président de sortir de cette impasse politique
  • en adoptant une politique courageuse face aux élus mahorais ;
  • en mettant en place une commission franco-comorienne devant adopter une résolution appelant la France et les Comores à observer un moratoire d’une vingtaine d’année. Il reviendra aux comoriens pendant ce temps de relever les trois îles sœurs à un niveau de développement acceptable par les mahorais, rattraper les huit ans de retard qu’ils ont accusés ;
  • en exigeant des autorités comoriennes le renforcement de leurs frontières autour des quatre îles ;
  • en supprimant le visa Balladur cause de plusieurs décès en mer
Monsieur le Président,
Vous l’avez dit à Dakar, en juillet 2007 "Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est le co-développement, c’est-à-dire le développement partagé. (…) Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est élaborer une stratégie commune dans la mondialisation"
Mais en ce qui concerne les Comores, il n’y aura pas de co-développement tant que de l’autre côté de la mer, à Mayotte, à 70 kilomètres de là, il y a l’espoir.
La force vive de la nation comorienne cherche par tous les moyens à s’échapper. Elle ira mourir en mer.
Les jeunes comoriens ne cherchent pas à construire une vie dans leur pays. On les entend jurer qu’un jour où l’autre ils rentreront à Mayotte. Ils iront mourir en mer.
Les autres qu’on a reconduits aux frontières sont persuadés que la prochaine fois sera la bonne. Ils iront mourir en mer
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République française, l’expression de mon plus profond respect.
Saïd Hamidou ALLAOUI
Président du Club ULEZI

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